Fin de vie en France 2025 : Le débat du Club du Droit avec les Notaires – Droits, éthique et anticipations juridiques
Le 12 octobre 2025, lors d’un débat organisé par le Club du Droit, les Notaires de France, le sénateur Alain Milon (LR) et le juriste Laurent Frémont (Maître de conférences à Sciences Po) ont échangé sur un sujet de société aussi sensible qu’urgent : comment légiférer sur la fin de vie sans diviser ? Alors que le projet de loi sur les soins palliatifs et l’aide à mourir est reporté sine die, ce débat a révélé les tensions entre liberté individuelle, protection des vulnérables et réalité des soins palliatifs. Retour sur les arguments clés, les dispositifs juridiques existants et le rôle des notaires pour anticiper ces enjeux.
👉🏻 Le débat du Club du Droit : entre droit, éthique et pratique
Un sujet « d’une intimité folle » (Bertrand Savouré, Président du Conseil supérieur du notariat)
- Double enjeu : À la fois privé (chaque citoyen est concerné) et public (quelle solution pour le bien commun ?).
- Appel à la dignité et à la mesure : Comment concilier autonomie individuelle et protection collective ?
Trois positions face à l’aide à mourir (Alain Milon)
- « Le non, le oui mais, et le non mais » :
- Le « non mais » : Proposer une assistance médicale à mourir (sans euthanasie), tout en renforçant les soins palliatifs.
- Critique du texte voté à l’Assemblée : Oubli des enfants et des malades psychiatriques, coût estimé à plusieurs milliards d’euros.
- Exemple marquant : « La maladie de Charcot n’est plus une condamnation à court terme si les symptômes sont pris en charge dès le diagnostic. »
L’avertissement de Laurent Frémont : « Faire entrer la mort dans le champ du droit »
- Risque de dérives : « Le texte expose les plus vulnérables à des injustices. » (Manifeste Démocratie, éthique et solidarités).
- Demande fluctuante : « La demande d’en finir est souvent liée à un besoin d’écoute, pas à une volonté de mourir. »
- Comparaison historique : « En 1940, l’euthanasie était le corollaire de courants de pensée qui avaient anesthésié la société sur la dignité de la vie. »
« On peut obtenir la mort en 48h, mais il faut un an pour un rendez-vous en centre anti-douleur ! » – Laurent Frémont.
👉🏻 Le rôle clé des notaires : anticiper pour protéger
« La meilleure mesure d’anticipation : le mandat de protection future » (Me Anne Girard)
- Définition : Un contrat permettant de désigner à l’avance une personne pour gérer son quotidien, sa santé ou son patrimoine en cas d’incapacité.
- Avantages :
- Évite une tutelle ou curatelle (délais longs : +5 000 dossiers en attente à Metz).
- Flexibilité : Choix du mandataire (ami, proche) et des pouvoirs délégués.
- Cas concret : « Une personne célibataire sans enfant peut confier ce mandat à un ami. »
Autres dispositifs notariaux
- Mandat à effet posthume : Pour organiser la gestion de sa succession après sa mort (durée limitée, acte notarié obligatoire).
- Conseils successoraux :
- Conjoint survivant : Droits renforcés depuis 2001 (usufruit généralisé).
- Couples recomposés/pacsés : Nécessité de testaments ou donations au dernier vivant.
« Les retraités s’inquiètent des droits de leur conjoint survivant. Nous les rassurons : la loi de 2001 a généralisé l’usufruit, protégeant le logement familial. » – Me Anne Girard.
👉🏻 Soins palliatifs vs aide à mourir : le cœur du débat
Les limites des soins palliatifs (chiffres SFAP)
- Seulement 30 % des patients ayant besoin de soins palliatifs y ont accès.
- Causes : Maillage territorial insuffisant, manque de soignants, réticence culturelle.
Arguments pour l’aide à mourir
- Liberté individuelle : « De quel droit peut-on nous empêcher de mourir ? » (Philippe Manière, modérateur).
- Comparaison avec l’IVG : « En 1975, les craintes de dérives sur l’avortement ne se sont pas réalisées. » (Un notaire présent).
La position des opposants
- Priorité aux soins palliatifs : « Légaliser l’euthanasie serait une régression. » (Laurent Frémont).
- Risque de « glissement » : « La demande d’euthanasie est souvent un appel à l’aide mal interprété. »
Conclusion
Le débat du Club du Droit a révélé une France divisée sur la fin de vie, mais aussi des solutions concrètes pour anticiper : mandats notariaux, directives anticipées, et renforcement des soins palliatifs. Comme l’a souligné Bertrand Savouré, « le vrai défi est de distinguer ce que l’on veut pour soi et ce que l’on pense bien pour la société ». Une chose est sûre : les notaires jouent un rôle essentiel pour sécuriser ces choix, tandis que le débat législatif reste plus que jamais d’actualité.